Ellie Black deviendra la première gymnaste artistique canadienne à participer à quatre Jeux olympiques
Ellie Black occupe une place de choix dans l’histoire de la gymnastique artistique canadienne. À 28 ans, elle s’apprête à participer à ses quatrièmes Jeux olympiques, un record de la gymnastique artistique canadienne féminine ou masculine.
Le curriculum vitae sportif de Black témoigne de sa capacité à s’illustrer dans les grandes compétitions. Au cours des 12 dernières années, elle est passée de la nouvelle venue de 16 ans qui en a surpris plus d’un quand elle a mérité une place au sein de sa première équipe olympique à une leader respectée et une icône reconnue dans le monde entier.
Si vous consultez n’importe quelle liste des meilleurs résultats canadiens de tous les temps, vous verrez le nom de Black partout.
À ses débuts olympiques à Londres 2012, elle a aidé Équipe Canada à obtenir le meilleur classement de son histoire dans l’épreuve féminine par équipes, une cinquième place, tout en se qualifiant pour la finale du saut.
À Rio 2016, Black a terminé cinquième en finale du concours général féminin, le meilleur résultat olympique du Canada dans cette épreuve. L’année suivante, elle est devenue la première médaillée canadienne du concours général aux Championnats du monde de gymnastique artistique de la FIG, en remportant la médaille d’argent.
Aux Jeux de Tokyo 2020, elle a terminé quatrième de la finale de la poutre – le meilleur résultat olympique d’une Canadienne dans une épreuve de gymnastique artistique féminine – après s’être retirée de la finale du concours général en raison d’une entorse à la cheville.
En 2022, Black a mené l’équipe féminine canadienne à la médaille de bronze aux Championnats du monde, ce qui se voulait la toute première médaille du Canada dans l’épreuve par équipes. En plus d’être un moment historique, ce résultat signifiait que le Canada avait, de manière quelque peu inattendue, qualifié une équipe féminine complète pour Paris 2024 dès la première occasion.
Au cours de sa longue carrière, Black s’est qualifiée au moins une fois pour la finale de chaque appareil aux Championnats du monde. Jamais satisfaite, elle a persévéré malgré plusieurs blessures importantes et s’est toujours efforcée de s’améliorer, au point de figurer parmi les meilleures au monde à ce qui était autrefois son appareil le plus faible.
Olympique.ca s’est entretenu avec Black au sujet de son parcours en gymnastique et de sa préparation en vue de Paris 2024.
Cet entretien réalisé en décembre 2023 a été adapté pour des raisons de longueur et de clarté.
O.ca : Tout d’abord, comment va ta cheville?
E. B. : En fait, ma cheville se porte très bien! Ce fut un long parcours pour la remettre en état de supporter la charge de la gymnastique de haut niveau. Nous avons essayé de nombreuses solutions et nous avons finalement décidé que je devais subir une intervention pour retirer des éperons osseux ou des éclats d’os que j’avais dans la cheville et qui provoquaient une irritation et une inflammation chroniques. C’était assez tôt en 2023. Depuis, je n’ai fait que récupérer et gérer la charge que je lui impose. Elle se porte très bien. J’ai participé aux Championnats du monde [en 2023], juste pour évaluer le seuil de tolérance, et elle a tenu le coup.
O.ca : Comment était-ce de participer aux Championnats du monde de 2023 sans la pression de la qualification olympique?
E. B. : C’était génial de simplement utiliser les Championnats du monde (a) pour moi qui revenais de mon intervention, pour prendre de l’expérience et tester un peu la cheville et (b) pour les plus jeunes athlètes, pour acquérir de l’expérience en participant à des Championnats du monde. Nous avions certainement beaucoup moins de stress et de pression parce que nous aurions dû essayer de nous qualifier à ces Championnats du monde [si nous n’avions pas obtenu la qualification olympique en 2022].
Les gars ont vécu cela. Nous avons donc été leurs plus grandes partisanes, ce qui était déjà assez stressant en soi. [Note de la rédaction : l’équipe canadienne masculine de gymnastique artistique s’est qualifiée pour ses premiers Jeux olympiques depuis ceux de Beijing 2008]
O.ca : Ton programme d’exercices au sol actuel est très apprécié par les partisans. Quel est le concept derrière ce programme?
E. B. : C’était emballant parce que j’ai eu l’occasion de présenter ce programme pour la première fois aux Championnats du monde. Je pense que l’histoire de ce programme au sol particulier parle beaucoup des dernières années et du fait d’être coincée au milieu d’une tempête, de devoir se battre, de devoir continuer à avancer et d’essayer de bloquer les bruits extérieurs, de dire aux gens de garder le silence et de me concentrer sur ce que je dois faire.
O.ca : Selon certains commentaires sur les médias sociaux, c’est la preuve qu’il n’est pas nécessaire d’adopter un style se rapprochant du ballet pour être artistique. Que penses-tu de ce genre de commentaires?
E. B. : Je pense que tout le monde peut être artistique d’une manière différente. La chorégraphie pour les exercices au sol est une chose sur laquelle j’ai travaillé très dur – me produire, être créative et faire quelque chose qui sort de l’ordinaire, mais le faire d’une manière artistique avec expression, émotion et sentiment.
Alors, oui, je n’ai peut-être pas le style de Brooklyn Moors pour ce qui est du programme au sol, et c’est bien comme ça. C’est bien d’être différente. J’ai reçu beaucoup d’excellents commentaires sur le programme. Je pense que beaucoup de gens l’ont aimé et ont apprécié sa passion, son énergie, son émotion et sa créativité.
O.ca : Comment tes sentiments à l’égard des différents engins ont-ils évolué au fil des ans?
E. B. : Honnêtement, j’ai toujours aimé le saut, le sol et la poutre. Il n’y a que les barres que je n’aimais pas parce que je n’étais pas très douée. C’était vraiment étrange pour moi. C’était vraiment difficile. Il m’a fallu beaucoup de travail pour apprendre à utiliser les barres, à me balancer sur les barres et à comprendre comment bien travailleur avec les barres. Aujourd’hui, c’est une de mes forces. C’est l’une de mes meilleures épreuves. J’ai participé à la finale des barres aux Championnats du monde de 2023. J’ai une compétence qui porte mon nom aux barres asymétriques, ce qui, ironiquement, était ma pire épreuve!
Si vous m’aviez dit il y a 10 ans qu’une compétence porterait mon nom, j’aurais pensé que vous étiez probablement fou de penser que ce serait aux barres. Je pense que j’aime le défi que chaque engin présente.
O.ca : À l’approche de tes quatrièmes Jeux olympiques, de quoi es-tu le plus fière quand tu regardes l’ensemble de ta carrière?
E. B. : C’est assez incroyable d’être dans cette position, à l’approche de mes quatrièmes Jeux olympiques. Je suis certainement fière qu’une compétence porte mon nom dans le code – ce n’est pas vraiment quelque chose que je croyais pouvoir accomplir. C’est vraiment difficile de nos jours, alors je suis vraiment très fière de cela. C’est quelque chose qui va rester dans le code et d’autres athlètes vont aspirer à essayer cette compétence et à la réaliser en compétition.
Je suis aussi très fière de la médaille de bronze par équipes que nous avons remportée aux Championnats du monde de 2022. Nous avons écrit une page de l’histoire du Canada en remportant la première médaille par équipe pour la gymnastique canadienne aux Championnats du monde. C’est quelque chose que nous recherchons depuis longtemps et l’épreuve par équipes est ma partie préférée de la compétition. C’était donc très spécial de pouvoir le faire avec l’équipe, et j’espère que cela pavera la voie pour que les prochaines générations croient en cette possibilité.
Je suis aussi fière d’être la première gymnaste féminine de la Nouvelle-Écosse à se rendre aux Jeux olympiques. J’espère que cela inspirera d’autres enfants ou athlètes de provinces ou de villes plus petites, et qu’ils verront que c’est possible. Il suffit de rêver grand et de trouver les personnes dans les communautés qui vous soutiendront. Il n’est pas forcément nécessaire de quitter la maison pour réaliser ses rêves.
O.ca : Pourquoi l’épreuve par équipes est-elle ta préférée?
E. B. : L’épreuve par équipes est ma préférée parce que je sais à quel point tout le monde travaille fort. Être une athlète de haut niveau peut parfois vous faire sentir comme si vous étiez seule, alors le fait d’avoir une équipe autour de soi, des gens qui vous soutiennent, qui sont sur le plancher avec vous, qui concourent avec vous, et pouvoir partager le succès avec eux, ou si c’est, vous savez, un échec, vous pouvez toujours vous soutenir les uns les autres.
Il n’y a qu’un certain nombre d’athlètes qui se taillent une place au sein d’une équipe et qui vont aux Jeux olympiques. L’équipe va aussi plus loin que l’équipe qui est directement sur le plancher. Je regarde l’équipe et je pense à tout le monde à la maison, à tous ceux qui ont aidé, à tous les entraîneurs, à tous les athlètes. Je pense que c’est pour cela que c’est mon épreuve préférée, parce qu’il ne s’agit pas d’une seule personne. C’est toute l’équipe qui est derrière vous.
O.ca : Si tu mets de côté tes propres performances olympiques, quel est ton moment olympique préféré en tant que partisane d’Équipe Canada?
E. B. : Oh mon Dieu. C’est certain que Kyle Shewfelt remportant notre seule médaille en gymnastique [artistique], ce fut très historique et très, très inspirant. L’un de mes moments préférés dont je me souviens date de 2008. Je regardais Elyse Hopfner-Hibbs et Nansy Damianova en compétition aux Jeux olympiques, ainsi que mon entraîneur actuel, David Kikuchi, qui y participait. Les regarder en compétition a été un moment marquant pour moi, car David venait de mon club. Si quelqu’un de mon club en Nouvelle-Écosse peut aller aux Jeux olympiques, pourquoi pas moi?